La journée de la Femme
Le thème de la Journée Internationale de la Femme, ce 8 mars 2018, est :
« Le temps est proche : les activistes ruraux et urbains transforment la vie des femmes »
J’ai donc choisi de tourner mon regard vers les femmes activistes du monde rural avec qui je travaille quotidiennement, dans les villages de Theni. L’exercice consistait à conter l’histoire d’une femme, mais pour ma part, je n’ai pu m’y résoudre. Dans notre équipe il y a deux femmes : Meena et Dhivya. Il est impossible de raconter l’une en occultant l’autre. Au bureau comme dans les villages, elles agissent ensemble et forment un tout indissociable.
En les observant toutes les deux, inséparables, on peut penser que c’est leur façon de se protéger. En réalité, en intervenant à deux, elles se complètent dans leurs différences et les villageoises qui se confient à elles se retrouvent dans ce tout qu’elles forment.
Meena est une femme indienne de 39 ans originaire du district de Ariyalur et mère active de 2 jeunes adultes de 17 et 18 ans. Elle a quitté son foyer pour travailler avec Kynarou dans les villages de Theni, qui est, selon elle, l’un des districts les plus démuni de l’Inde du Sud. Elle rêve d’avoir les moyens de pousser ses enfants le plus loin possible dans leurs études afin qu’ils puissent avoir un mariage heureux. Son projet pour l’année est de pouvoir acheter 5 livres d’or à sa fille pour constituer sa dot.
Dhivya est une femme indienne de 23 ans, célibataire et pleine de rêves. Elle est originaire de Sadaiyalpatti, un village voisin de Manikapuram, au sein de notre zone d’intervention. C’est là qu’elle a été sensibilisée sur les actions de Kynarou. Elle rêve de monter une association avec son petit frère pour l’accès a l’éducation pour tous. En attendant, elle met de côté pour participer à la construction de la maison familiale.
Elles me confient que souvent, les villageois leur demandent si elles sont mère et fille. Elles laissent alors planer le doute, et c’est ainsi que les familles leur ouvrent les portes, pour discuter de sujets sensibles tels que la santé des enfants, l’hygiène au quotidien ou les craintes des mères par rapport à la défécation en plein air et la sécurité de leurs filles. Enfin, si je prends le parti de les raconter à deux, c’est aussi que lors de nos rencontres dans les villages, j’ai observé que les femmes présentes participent toujours en binômes. Et ce qui, dans certaines cultures, est vu comme un manque d’affirmation de soi, m’apparait ici comme une façon de se donner de la voix et d’incarner la sororité, la solidarité entre femmes.
Ne travaillant pas sur les mêmes sites, Meena, Dhivya et moi-même n’avions pas eu la possibilité de tisser des liens personnels. L’écriture de ce texte m’en a offert l’opportunité et, au-delà de toutes nos attentes, nous avons pu partager un moment de complicité. Ce qui m’a tout d’abord paru délicat, c’était de trouver la bonne introduction. Quel sujet aborder sans paraitre intrusive ? Je me suis alors souvenu des premières discussions dépaysantes avec Vaidhegi, ma collègue de Pondicherry. Un matin elle s’approche de mon bureau et me demande ce que j’ai mangé au petit déjeuner, et la veille au diner, et ce que je compte manger à midi. Une fois que nous avions chacune détaillé nos menus respectifs, nous nous sommes autorisées à aborder d’autres sujets plus personnels.
Par Tiana Ranovona, VSI Kynarou en Inde.